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Rajaâ Cherkaoui : Au-delà de l’atome, l’histoire d’une “force tranquille”
Rabat – Derrière les éclats de fierté transparaît l’humilité, à l’instar des Hommes de science habitués à réprimer l’orgueil face à la complexité du monde. Un tel enseignement résume à bien d’égards le parcours de Rajaâ Cherkaoui El Moursli, l’une des scientifiques les plus influents à l’échelle planétaire.
Titulaire en 1982 d’un doctorat en physique nucléaire en France, puis enseignante à la Faculté des sciences de Rabat, cette originaire de Bejaâd dépeint son expérience comme une série de joyeux coups du destin. “Un itinéraire inspirant où tout peut être possible avec une dose de persévérance et un travail ardu”, a-t-elle confié à la MAP.
Du haut de ses 69 ans, Rajaâ nous livre un aperçu unique de la vie d’une scientifique qui ne s’est pas laissée retenir par “le poids des responsabilités”.
“J’étais en vacances au Maroc lorsque j’ai eu le poste d’enseignante à l’Université Mohammed V, avant de découvrir peu après que j’étais enceinte, alors que mon époux poursuivait ses études en France”, se rappelle-t-elle. Ce fut “un accident heureux, mais de la vie’”, dit-elle.
+”PAS MOYEN DE REBROUSSER CHEMIN, IL A FALLU CONQUÉRIR MES RÊVES”+
Dans une majestueuse salle de la faculté, l’amphithéâtre où enseignait la physicienne émérite exhale les parfums de l’antiquité et de l’intellect. Assise avec assurance sur les mêmes fauteuils qui ont accueilli des Prix Nobel, Rajaâ se remémore de la belle époque quand elle a décidé de s’immerger dans l’infiniment petit.
A l’école, les mathématiques étaient un jeu d’enfant certes, mais la physique était un régal pour cette dame du savoir. “Je passais inaperçue dans une famille de cinq frères et sœurs. Mes parents ne m’ont jamais stressé pour étudier, on m’a laissé faire”, raconte-t-elle. Ses proches lui demandaient parfois d’arrêter de lire, tant elle était profondément passionnée pour les livres.
A ce moment-là, la scientifique émérite était dans le viseur de ses enseignants qui ont pu la distinguer du lot. “Regarder autour de vous”, telle est la phrase de ses mentors qui suscitait sa curiosité pour la science. “Ils m’ont toujours guidé, mais je ne m’en suis rendue compte qu’à l’âge adulte”, lance-t-elle.
La chercheuse se dit reconnaissante envers les personnes qu’elle a croisées à l’instant juste et à l’endroit idéal, dans des circonstances entièrement imprévues, mais qui ont contribué à son cheminement à l’université et plus particulièrement dans ses collaborations de recherche à l’international.
Des années plus tard, elle s’est vu confier la charge de la direction du Laboratoire de physique nucléaire de Rabat. “Ce fut un véritable défi que de concilier le travail et la vie familiale”, note Rajâa, soulignant qu’il s’agissait de faire en sorte que ses enfants ressentent sa présence à la maison.
+FACE AUX DEFIS, UN COUP DE POUCE FAMILIAL+
De l’avis de cette scientifique, une femme occupant un poste de responsabilité “est fréquemment jugée non seulement par les hommes, mais aussi par les femmes”. Elle a de fait su puiser dans sa force intérieure dans les moments de doute, grâce à un père qui prônait l’égalité des chances et un mari toujours attentif à ses aspirations professionnelles.
“Personnellement je me sens nulle quand j’apprends quelque chose de nouveau”, concède-t-elle sur un ton plein d’humilité. “Tout ce qu’on voit autour de nous, les ordinateurs, les chaises, les murs, les galaxies… sont tous construits des mêmes briques que sont les particules élémentaires”, fait-elle constater. La seule distinction entre les être humains et les autres objets réside dans l’existence de l’âme’’.
En 2013, Mme Cherkaoui El Moursli a occupé le poste de vice-présidente pour la recherche, l’innovation, la coopération et le partenariat à l’Université Mohammed V.
Aujourd’hui mère de trois enfants et grand-mère, elle a été l’un des précurseurs de la participation officielle du Maroc à la collaboration Atlas menée par l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), un des centres de recherche les plus respectés au monde.
C’est dans ce contexte que l’expérience Atlas a conduit à la découverte historique du boson de Higgs, responsable de la masse des particules élémentaires. En 2015, Mme El Moursli a remporté le prestigieux prix l’Oréal-UNESCO “Women in Science” pour sa contribution à cette découverte, représentant l’Afrique et les États arabes.
Mieux encore, elle a eu sa place dans le classement “50 over 50” de Forbes qui met en valeur les réalisations et les contributions de femmes à 50 ans et au-delà exerçant une influence remarquable en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. En 2022, elle entre dans le top 50 de l’indice scientifique Alper-Dodger parmi les chercheurs les plus influents au plan mondial.
Original article published by Map Express and written by Hala TAHRI, linked here.